Accord du trilogue sur les OGM-NTG : une trahison des préoccupations légitimes des paysan.ne.s sur les brevets, la santé, l’environnement et le droit à l’information des consommateur.rice.s
Défendre les droits des paysan.ne.s republie par la présente le communiqué de presse publié le 04 décembre 2025 par la Coordination Européenne Via Campesina (ECVC).
Hier soir, les représentants des trois institutions européennes sont parvenus à un accord sur le trilogue relatif à la proposition de déréglementation des OGM végétaux obtenus par nouvelles techniques génomiques (OGM-NTG). La Coordination européenne Via Campesina (ECVC), qui représente la voix des petit.e.s paysan.ne.s en Europe, dénonce un accord qui ignore totalement les préoccupations des agriculteur.rice.s et du public, en particulier en ce qui concerne les brevets. Le Parlement européen avait initialement reconnu dans sa position de février 2024 que les brevets étaient problématiques, appelant à une limitation de la portée des brevets afin d’empêcher leur extension aux semences paysannes et traditionnelles. Mais sa représentante dans la négociation, Mme Polfjärd, n’en n’a aucunement tenu compte.
Ces demandes essentielles ont été supprimées au cours du trilogue, ne laissant dans l’accord final que des mesures facultatives, telles qu’un code de conduite non contraignant pour l’octroi de licences et la transparence volontaire, laissant les agriculteurs, les petits semenciers, les transformateurs et les distributeurs sans défense face aux contaminations fortuites, aux poursuites et aux saisies abusives pour contrefaçon. L’accord du trilogue prétend en effet que les plantes brevetables obtenues par NTG seraient semblables aux plantes issues de sélection traditionnelle, non brevetables. La suppression de l’obligation actuelle de publication des procédés de détection et de distinction des caractères OGM brevetés permettra en effet d’étendre la portée des brevets sur les NTG aux semences et produits agricoles contenant naturellement ces mêmes caractères. Ces mesures sont donc inutiles pour protéger les agriculteur.rice.s et la autres opérateur.rice.s de la chaîne alimentaire contre les risques de poursuites abusives pour contrefaçon de brevet. De telles poursuites se produiront inévitablement si toutes les obligations de traçabilité sont supprimées, ainsi que la privatisation de toutes les semences et plantes cultivées y compris les semences paysannes et traditionnelles.
L’accord prévoit de déréglementer les OGM-NTG brevetés sans garantir la traçabilité, y compris sans publication des des méthodes de détection et d’identification[1], sans mesures de coexistence obligatoires, sans étiquetage pour les produits finaux et sans possibilité pour les États membres d’utiliser une clause de sauvegarde (opt-out). L’accord ose même prétendre que les contaminations des produits biologiques devront être acceptées, alors même qu’elles sont interdites par le règlement biologique et refusées par les consommateur.rice.s.
Certaines des exigences de l’actuelle réglementation des OGM s’appliqueront aux OGM-NTG de «catégorie 2», mais nous savons déjà que la grande majorité des NTG relèveront de la «catégorie 1», qui sera complètement déréglementée. En bref, cet accord supprimerait complètement le droit des agriculteur.rice.s et des consommateur.rice.s de continuer à cultiver et à manger sans OGM, mettant en danger la survie économique des secteurs agroalimentaires garantis sans OGM et biologiques, qui sont bien bien établis en Europe.
« Cet accord ne profitera qu’aux grandes multinationales qui possèdent des brevets, telles que Corteva, BASF ou Bayer, qui pourront, avec leurs brevets, confisquer toutes les semences et contrôler l’ensemble de la chaîne alimentaire. Tou.te.s les autres, agriculteur.rice.s, petit.e.s et moyen.ne.s obtenteur.rice.s et consommateur.rice.s, y perdront. La principale motivation de cette déréglementation est d’imposer en Europe les OGM et le modèle du brevet à ceux et celles qui n’en veulent pas”, a déclaré Alessandra Turco du comité de coordination d’ECVC. « Les brevets sont un outil permettant de verrouiller l’accès aux ressources génétiques dans le but de restructurer le marché des semences à l’avantage des grandes entreprises. Si cet accord est conclu, il conduira à une concentration monopolistique du marché, à la disparition de petites entreprises semencières, à une privatisation généralisée des ressources génétiques et à une réduction irréversible de l’agrobiodiversité, ainsi qu’à une augmentation du prix des semences. »
Heureusement, rien n’est encore approuvé : cet accord de trilogue n’est que le résultat des négociations entre la présidence du Conseil et les négociateur.rice.s du Parlement et de la Commission. Aujourd’hui, il doit encore être validé par tou.te.s les député.e.s du Parlement européen et tous les États membres. ECVC appelle tou.te.s les député.e.s européen.ne.s et les États membres à entendre les préoccupations légitimes des agriculteur.rice.s, des autres opérateur.rice.s de la chaîne alimentaire et des consommateur.rice.s, et à rejeter ce texte dangereux.
ECVC parle au nom des nombreux paysan.ne.s européen.ne.s qui ne veulent pas et n’ont pas besoin d’utiliser des OGM-NTG brevetés, et qui adaptent déjà leurs cultures aux changements climatiques et réduisent les intrants chimiques avec les sélections paysannes et l’utilisation de cultures adaptées localement. ECVC demande à tous les député.e.s européen.ne.s de maintenir leur engagement ferme contre les brevets et de ne pas approuver une proposition qui portera gravement atteinte à la souveraineté alimentaire de l’Europe et aux droits des agriculteur.rice.s.
[1] Seule à même aussi de permettre leur retrait du marché en cas d’apparition de dommages pour la santé et l’environnement.
