Déclaration du Groupe de travail de l’ONU sur les droits des paysan.ne.s et des autres personnes travaillant dans les zones rurales à l’occasion de la COP30
Défendre les droits des paysan·ne·s republie la déclaration publiée par le Groupe de travail des Nations Unies sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysan·ne·s (UNDROP) à l’occasion de la COP30, qui se tient au Brésil du 10 au 21 novembre 2025 (également disponible ici).
Genève, le 10 novembre 2025
Les droits des paysans et des travailleurs ruraux au cœur de la justice climatique
Alors que les dirigeants mondiaux et la société civile se réunissent pour la 30e Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP30), le Groupe de travail des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales1 appelle à un changement clair de la politique climatique mondiale. Les paysans, les peuples autochtones, les pêcheurs, les éleveurs et les travailleurs ruraux ne doivent plus être considérés uniquement comme des victimes de la crise climatique, mais comme des leaders essentiels dans la restauration des écosystèmes, l’alimentation des communautés et la construction de la justice sociale et économique.
Environ 2 milliards de paysans, de peuples autochtones et de producteurs cultivent plus de 70 % de la nourriture consommée dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Ils protègent également une grande partie de la biodiversité mondiale, maintiennent en vie les semences et les races traditionnelles, et préservent les écosystèmes et les paysages qui soutiennent la vie et les économies rurales. Pourtant, ils reçoivent moins d’un pour cent du financement mondial de la lutte contre le changement climatique et sont souvent exclus des décisions clés concernant l’avenir de l’alimentation et du climat. Ce déséquilibre doit cesser.
- Aligner l’action climatique sur les droits de l’homme :
L’Accord de Paris et les droits de l’homme visent à atteindre les mêmes objectifs. Les gouvernements ne peuvent pas réaliser de véritables progrès en matière de climat tout en ignorant leur devoir de protéger les droits de ceux qui nourrissent le monde. Les États devraient inclure les principes contenus dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysan.ne.s et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP) – en particulier les droits à la terre, aux semences, à l’eau, à la biodiversité et à la participation – dans leurs plans nationaux climatiques et leurs stratégies d’adaptation. Les politiques climatiques qui négligent ces droits risquent d’accroître la pauvreté, les déplacements et la faim.
- Orienter le financement de la lutte contre le changement climatique vers des solutions dirigées par les paysan.ne.s :
La plupart des financements climatiques soutiennent encore les grandes entreprises agroalimentaires, les projets orientés vers l’exportation et les mécanismes de marché qui permettent les causes et les moteurs du changement climatique, au lieu de soutenir les capacités de ceux qui sont en première ligne des impacts et des actions innovantes pour lutter contre le changement climatique. Le Groupe de travail appelle à la mise en place de canaux de financement spéciaux au sein des fonds climatiques pour soutenir directement les détenteurs de droits de l’UNDROP, notamment les paysans, les petits agriculteurs, les éleveurs, les pêcheurs, les travailleurs ruraux, les peuples autochtones et les femmes rurales. Ces fonds devraient fournir des subventions, et non des prêts, avec des règles simples et une surveillance communautaire afin que l’argent parvienne directement à ceux qui en ont besoin en temps opportun.
Il faut veiller tout particulièrement à ne pas pénaliser doublement les pays du Sud en obligeant les États à contracter des prêts pour faire face aux dommages résultant du changement climatique qui a été principalement alimenté par les émissions provenant des États riches. Le financement de l’atténuation, de l’adaptation et des pertes et dommages doit être considéré comme une forme de réparation par ceux qui ont bénéficié des opérations extractives à l’origine de la crise climatique.
Les investissements doivent se concentrer sur l’agroécologie, la diversité des systèmes d’agriculture, de pêche et d’élevage, la régénération des sols, de l’eau et de la biodiversité, ainsi que d’autres méthodes locales qui réduisent les émissions et protègent la nature. Les femmes paysannes rurales, qui assument une grande partie du travail et de la responsabilité de la sécurité alimentaire, ont besoin d’un soutien et d’une reconnaissance ciblés.
- Partager la technologie équitablement et respecter les connaissances :
Pour que l’adaptation soit efficace, la technologie doit être au service des communautés, et non pas les contrôler. Nous exhortons les gouvernements à respecter leurs engagements vis à vis de l’UNDROP en facilitant la coopération internationale, en menant au partage de la science et de la technologie, ainsi qu’au renforcement des capacités locales.
Le droit de conserver, de partager et de développer des semences et des races traditionnelles est essentiel à la souveraineté alimentaire et à la résilience climatique, et les États doivent veiller à ce que les lois sur les brevets et le commerce ne criminalisent pas l’échange de semences traditionnelles, ni n’encouragent la biopiraterie. Les connaissances autochtones et paysannes, développées au fil des générations, doivent être considérées comme un élément central de l’innovation climatique.
- Protéger les terres, l’eau et la biodiversité :
Les objectifs climatiques ne peuvent être atteints tant que l’accaparement des terres, la déforestation, la destruction des écosystèmes fluviaux et marins et l’expansion des monocultures se poursuivent. Le Groupe de travail préconise la sécurisation des droits à la terre, aux ressources et aux territoires, une réforme foncière et agraire complète, ainsi que des modèles de propriété collective et de gouvernance qui soutiennent à la fois les personnes et la nature.
La mainmise sur le marché des paysages et des composants naturels essentiels à la vie par le biais d’économies vertes et bleues doit être évitée et dénoncée publiquement lorsqu’elle est vue.
Les gouvernements doivent veiller à ce que les crédits carbone et les projets de conservation n’affectent pas négativement le droit des titulaires de droits à la terre, aux semences ou à l’autonomie productive, ni n’affectent leurs moyens de subsistance. Tous les projets doivent impliquer la participation des titulaires de droits locaux, et les avantages doivent être partagés avec eux.
- Assurer une transition juste pour les populations rurales :
Le passage à des systèmes alimentaires durables doit protéger les moyens de subsistance des paysans et des travailleurs ruraux. Tous les investissements climatiques, qu’ils soient publics ou privés, doivent respecter les obligations en matière de droits humains afin de prévenir la perte de terres, de territoires et de biodiversité, les abus au travail et les dommages environnementaux.
Les entreprises agroalimentaires qui bénéficient de fonds pour le climat doivent montrer qu’elles respectent leurs obligations internationales en matière de droits humains, en particulier celles de l’UNDROP. Les paysans et les autres détenteurs de droits, ainsi que leurs organisations, devraient avoir une véritable voix dans les délégations nationales et les organes de la CCNUCC qui façonnent les politiques agricoles et d’adaptation.
- La voie à suivre :
La COP30 offre une occasion rare de faire le lien entre le droit des droits de l’homme et la politique climatique. Le Groupe de travail appelle les États :
- Veiller à ce que tous les fonds, mécanismes, propositions et solutions respectent les droits humains individuels et collectifs des titulaires de droits, tels que définis dans l’UNDROP et d’autres instruments internationaux relatifs aux droits humains.
- Réformer tous les fonds et installations internationaux et nationaux pour le climat et l’adaptation afin de permettre un accès direct aux détenteurs de droits de l’UNDROP, y compris les paysans, les agriculteurs, les pêcheurs, les éleveurs, les peuples autochtones, les travailleurs et les femmes rurales.
- Soutenir la coopération technologique fondée sur les droits, en veillant à ce que des solutions émergent des consultations préalables, du consentement éclairé et de la participation significative des titulaires de droits.
- Accroître l’engagement des gouvernements, des mouvements paysans, des pêcheurs et des éleveurs, des groupes de femmes, des organisations de travailleurs ruraux et des peuples autochtones pour planifier des transitions justes, en s’appuyant sur les droits de l’UNDROP.
« La crise climatique est indissociable de la crise de l’injustice rurale », a déclaré le président du Groupe de travail. « Les paysans et les travailleurs ruraux nourrissent le monde et refroidissent la planète. La reconnaissance et la protection de leurs droits ne relèvent pas de la charité, mais du fondement d’une réponse efficace, responsable et juste au changement climatique.
Le Groupe de travail sur les paysans et les autres personnes travaillant dans les zonesrurales est composé de cinq experts indépendants de toutes les régions du monde. Le Président-Rapporteur est Carlos Duarte (Colombie) et les Vice-Présidents sont Davit Hakobyan (Arménie) et Uche Ewelukwa Ofodile (Nigéria) ; les autres membres sont Shalmali Guttal (Inde) et Geneviève Savigny (France).
