La décision du Kenya sur le partage des semences, une étape majeure pour les droits des paysan.ne.s et la sécurité alimentaire : des experts de l’ONU
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Défendre les droits des paysan.ne.s republie par la présente le communiqué de presse publié par le Groupe de travail d’experts des Nations Unies sur l’UNDROP, publié le 11 décembre 2025 (disponible en anglais ici).
GENÈVE – Des experts de l’ONU* ont salué aujourd’hui une décision historique de la Haute Cour du Kenya déclarant inconstitutionnelles certaines dispositions de la Loi sur les semences et les variétés végétales qui criminalisaient la conservation, l’utilisation, l’échange et la vente de semences autochtones et de semences de ferme.
« Ce jugement reconnaît à juste titre que le partage des semences n’est pas un crime, mais un élément fondamental de l’identité des paysans, de leur résilience et de leur contribution aux systèmes alimentaires nationaux », a déclaré le Groupe de travail sur les paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales.
La Haute Cour du Kenya a estimé que la loi, qui accordait des droits exclusifs de commercialisation et de propriété sur les semences aux obtenteurs et aux entreprises semencières et exposait les paysan.ne.s à des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à deux ans pour la conservation et le partage des semences, violait les droits des paysan.ne.s à la vie, aux moyens de subsistance et à l’alimentation. La Cour a souligné que des pratiques séculaires de partage des semences constituent l’épine dorsale de la sécurité alimentaire et du patrimoine culturel du Kenya.
« Cette décision constitue une affirmation majeure selon laquelle les droits humains des paysan.ne.s et les impératifs de la sécurité alimentaire et de la biodiversité doivent prévaloir sur des régimes de propriété intellectuelle excessivement restrictifs », a déclaré le Groupe de travail.
Les experts ont noté que des dispositions restrictives similaires, souvent inspirées de la Convention de 1991 de l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV), ont été intégrées dans les législations nationales de nombreux pays, criminalisant des pratiques ancestrales de l’agriculture autochtone et paysanne.
« La décision kenyane envoie un message clair et opportun : les obligations en matière de droits humains ne peuvent être subordonnées à des monopoles commerciaux sur les semences ni à des interprétations étroites des droits des obtenteurs végétaux », a déclaré le Groupe de travail.
Cette décision est conforme à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP), en particulier à son article 19, qui reconnaît le droit aux semences, y compris le droit de conserver, d’utiliser, d’échanger et de vendre des semences de ferme ou du matériel de multiplication. Les experts ont rappelé leur note d’information sur le droit aux semences**, qui précise que les États doivent veiller à ce que les politiques semencières, les systèmes de certification et les cadres de propriété intellectuelle soient conçus et appliqués de manière à respecter, protéger et réaliser ces droits, et que les systèmes semenciers gérés par les paysans soient légalement reconnus et activement soutenus.
« Les tribunaux jouent un rôle essentiel pour garantir que les lois nationales soient conformes aux normes internationales relatives aux droits humains », a déclaré le Groupe de travail. « Lorsque des cadres législatifs ont criminalisé les systèmes semenciers traditionnels ou restreint les pratiques coutumières des paysans, le contrôle juridictionnel constitue une garantie indispensable pour rétablir la primauté des droits humains et du droit à l’alimentation. »
Les experts ont salué le courage et la persévérance des paysan.ne.s du Kenya, des peuples autochtones et des acteurs de la société civile qui se sont mobilisés pour faire reconnaître les droits aux semences devant la Cour. « Leur détermination est une source d’inspiration pour les mouvements paysans du monde entier et montre que lorsque les tribunaux défendent les droits humains, ils protègent non seulement les moyens de subsistance des petits exploitants agricoles et des peuples autochtones, mais aussi l’avenir de systèmes alimentaires diversifiés, résilients et souverains », ont-ils déclaré.
« La décision du Kenya devrait inspirer des interprétations similaires, fondées sur les droits humains, des lois sur les semences et des régimes de protection des variétés végétales dans d’autres juridictions », a conclu le Groupe de travail.
* Le Groupe de travail sur les droits des paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales est composé de cinq experts indépendants issus de toutes les régions du monde. Le président-rapporteur est Carlos Duarte (Colombie) ; les autres membres sont Geneviève Savigny (France), Shalmali Guttal (Inde), Uche Ewelukwa Ofodile (Nigéria) et Davit Hakobyan (Arménie).
** La note d’information sur le droit aux semences, publiée par le Groupe de travail à l’occasion de la onzième session de l’Organe directeur du Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture (TIRPAA), tenue du 24 au 29 novembre 2025, détaille la manière dont les États peuvent intégrer les obligations de l’UNDROP relatives au droit aux semences afin de sauvegarder les pratiques traditionnelles des paysans et des peuples autochtones ainsi que la biodiversité.
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