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Des experts de l’ONU appellent à une responsabilité contraignante pour l’agro-industrie afin de protéger les droits des paysans et la sécurité alimentaire mondiale

En amont de la prochaine session de négociation des Nations Unies (20–24 octobre 2025) visant à élaborer un traité juridiquement contraignant sur les entreprises transnationales, le Groupe de travail des Nations Unies sur les paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales et le Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation ont publié une déclaration conjointe forte appelant à « une responsabilité contraignante pour l’agro-industrie afin de protéger les droits des paysans et la sécurité alimentaire mondiale ».

Les entreprises agroalimentaires transnationales comptent parmi les principaux responsables des violations des droits consacrés dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP). La déclaration souligne l’urgence de mettre en place un instrument international solide et exécutoire pour rendre ces acteurs responsables de leurs actes.

Les experts soulignent l’importance d’utiliser l’UNDROP comme fondement juridique dans l’élaboration du traité, notant qu’elle offre un cadre essentiel pour s’attaquer aux injustices systémiques subies par les petits agriculteurs, les pêcheurs, les pasteurs et les travailleurs ruraux. Comme ils le rappellent : « Les droits consacrés dans l’UNDROP — y compris les droits à la terre, aux semences, à la biodiversité et à la participation — doivent être mis en œuvre par des lois contraignantes et des mécanismes de responsabilité solides. »

Lire la déclaration complète ici :

GENÈVE — Aujourd’hui, une poignée de puissantes entreprises contrôlent une grande partie de la production agricole mondiale, des marchés des intrants agricoles et des chaînes d’approvisionnement alimentaire. Cette concentration de pouvoir sape l’autonomie des petits exploitants agricoles, exacerbe les inégalités et met en danger les fondements écologiques de nos systèmes alimentaires, ont alerté aujourd’hui des experts de l’ONU*.

Dans leurs rapports à l’Assemblée générale des Nations unies**, le Groupe de travail sur les paysans et les travailleurs ruraux et le Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation ont averti que la domination croissante des sociétés transnationales et des entreprises agro-industrielles dans les systèmes alimentaires mondiaux constitue une menace croissante pour la sécurité alimentaire, la subsistance des travailleurs en zones rurales et les droits humains.

« Les paysans et les petits exploitants agricoles nourrissent la majorité de la population mondiale avec des aliments sains et variés. Pourtant, ils sont de plus en plus marginalisés et dépossédés à cause de l’expansion des systèmes alimentaires dirigés par les entreprises », ont déclaré les experts. « Le modèle actuel de l’agro-industrie, soutenu par des États puissants, privilégie le profit au détriment des personnes et de la planète. Cela doit changer. »

Les pratiques des entreprises, notamment les acquisitions foncières à grande échelle, la monopolisation des semences et des produits agrochimiques, les contrats agricoles abusifs, la spéculation alimentaire ainsi que la mainmise croissante des entreprises sur les espaces de décision traditionnellement détenus par les paysans et les travailleurs ruraux dans la gouvernance des systèmes alimentaires, ont cumulativement créé de profondes dépendances qui affaiblissent la résilience rurale et sapent l’autonomie de ceux qui soutiennent nos systèmes alimentaires. De plus, les technologies numériques remodèlent encore davantage les systèmes alimentaires, étendant souvent le contrôle des entreprises à travers la mainmise sur les données agricoles. Ces tendances, combinées à la crise climatique, mettent en péril le droit à l’alimentation de millions de personnes à travers le monde.

Les experts ont réaffirmé que la Déclaration des Nations unies sur les droits des paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP) fournit un cadre juridique essentiel pour lutter contre les injustices systémiques auxquelles sont confrontés les petits agriculteurs, les pêcheurs, les éleveurs et les travailleurs agricoles ruraux.

« Les États ont l’obligation de réglementer les activités des entreprises, de prévenir les violations et les atteintes aux droits humains et de garantir l’accès à la justice pour les victimes », ont-ils déclaré.

« Les engagements volontaires ne suffisent pas. Les droits consacrés dans l’UNDROP, notamment les droits à la terre, aux semences, à la biodiversité et à la participation, doivent être mis œuvre par le biais de lois contraignantes et de mécanismes de responsabilité solides. Pour garantir que la numérisation serve des systèmes alimentaires équitables et durables, la gouvernance des données doit protéger les droits, les connaissances et l’autonomie des agriculteurs. »

Les paysans et les travailleurs ruraux qui subissent les conséquences des pratiques abusives des entreprises, qu’il s’agisse d’accaparement des terres, d’exposition à des substances toxiques, de vol de salaire ou d’expulsions forcées, peinent encore à faire valoir leurs droits et à obtenir réparation.

Le Groupe de travail et le Rapporteur spécial ont appelé tous les gouvernements, le secteur privé et les agences des Nations unies à placer les petits agriculteurs, les pêcheurs, les éleveurs et les travailleurs ruraux au centre des politiques alimentaires et de la gouvernance mondiale.

« L’alimentation n’est pas une marchandise, c’est un droit humain », ont-ils déclaré. « Nous devons agir maintenant pour garantir que ceux qui nourrissent la planète puissent vivre et travailler dans la dignité, sans exploitation ni crainte. »

À l’approche de la prochaine session du Groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée sur les sociétés transnationales et autres entreprises commerciales en ce qui concerne les droits de l’homme, les experts ont exhorté tous les États membres à donner la priorité à la finalisation d’un traité juridiquement contraignant visant à réglementer les entreprises, y compris les institutions financières, et à les tenir responsables des atteintes et des violations des droits humains.

« Un traité contraignant est essentiel pour combler le déficit en matière de responsabilité et rééquilibrer le pouvoir dans nos systèmes alimentaires. Sans obligations contraignantes, l’impunité des entreprises continuera à saper les droits humains et la capacité de la planète à se nourrir de manière durable », ont-ils déclaré.

* Les experts :

** Rapport A/80/180 : “Le droit à la participation des paysans et des travailleurs ruraux“ (Groupe de travail sur les paysans, 2025), et
Rapport A/80/213 : “Concentration du pouvoir des entreprises dans les systèmes alimentaires“ (Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, 2025).

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Les observations et recommandations spécifiques à chaque pays formulées par les mécanismes des Nations Unies chargés des droits de l’homme, notamment les procédures spéciales, les organes conventionnels et l’Examen périodique universel, sont disponibles sur l’Index universel des droits de l’homme https://uhri.ohchr.org/en/ .

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