L’agriculture paysanne: pièce maîtresse dans la lutte contre la crise climatique
La crise climatique actuelle s’inscrit indéniablement dans la crise multidimensionnelle permanente du système néolibéral : un système qui sacrifie les équilibres environnementaux et les écosystèmes pour le profit à court terme des minorités dominantes, en particulier de l’agrobusiness transnational.
Face à cela, des efforts de plaidoyer au niveau des instances internationales sont développés pour contrer les effets dévastateurs de cette crise et pour revendiquer la mise en place d’alternatives centrées – entre autres – sur la promotion de l’agriculture paysanne, de la souveraineté alimentaire et des droits des paysan-ne-s. Ces dernier-ère-s sont en effet des remparts contre la crise climatique et des solutions pour l’établissement de systèmes alimentaires socialement et écologiquement durables.
La mobilisation des organisations rurales et de ses alliés en vue de l’élaboration de la Déclaration de l’ONU sur les droits des paysans (Déclaration ci-après) indique une volonté de s’approprier des mécanismes internationaux pour servir les luttes rurales locales. Suite à la victoire historique qu’a signifié l’adoption de la Déclaration par l’Assemblée générale de l’ONU en 2018, une nouvelle étape est franchie : il s’agit maintenant de promouvoir et de mettre en œuvre effectivement cette Déclaration, en tant que feuille de route commune pour développer des systèmes agricoles équitables et respectueux de l’environnement.
C’est dans ce sens que le 27 juin 2023, Alberto Silva, secrétaire de l’organisation paysanne suisse Uniterre, membre de La Via Campesina, et paysan-maraîcher, est intervenu en plénière de la 53e session du Conseil des droits de l’homme lors du dialogue interactif avec le Rapporteur spécial de l’ONU sur le changement climatique. Dans son intervention, Alberto Silva a insisté sur le fait que, face aux effets climatiques néfastes de cette crise, les paysans et paysannes constituent un bouclier et une solution de par leurs pratiques agroécologiques qui ont d’ores et déjà prouvé une plus forte résilience que les systèmes industrialisés.
Le représentant d’Uniterre a souligné ainsi le potentiel de la Déclaration comme vecteur de la «transition vers une agriculture durable, diversifiée, créatrice d’emplois et résiliente face aux défis posés par la crise climatique ». Le mouvement paysan mondial appel maintenant à la création d’un mécanisme international de suivi de la Déclaration (une procédure spéciale sur les droits des paysans) qui servira d’espace de dialogue et de promotion, et qui permettra d’engendrer des soutiens internationaux aux luttes paysannes et climatiques sur le terrain.
Le 29 juin 2023, lors du dialogue interactif avec le Rapporteur spécial de l’ONU sur la pauvreté extrême, un autre représentant de La Via Campesina s’est exprimé en plénière du Conseil des droits de l’homme. Dans son intervention, le paysan argentin Diego Monton, du MNCI Somos Tierra – / Unión de Trabajadores Rurales Sin Tierra, a souligné que la lutte contre la pauvreté passe inexorablement par la mise en œuvre des mesures inscrites dans la Déclaration, en particulier de la réforme agraire comme garantie d’un accès équitable à la terre. La concentration de plus en plus accrue des terres dans les mains de grandes propriétaires fonciers est en effet l’une des causes principales de la pauvreté dans les zones rurales, du fait que les paysan-ne-s perdent l’accès à leur principal moyen de production et de subsistance.
Pour Diego Monton, tout plan d’emploi visant à réduire les inégalités et lutter contre la pauvreté « devrait être articulé avec les politiques de réforme agraire qui garantissent l’accès à la terre pour les paysan-ne-s, ainsi qu’avec le financement des coopératives paysannes pour parvenir à la valorisation des produits agricoles dans les communautés rurales elles-mêmes et à leur accès au marché à un prix équitable ».
Finalement, le 3 juillet 2023, Murad Akincilar, représentant du CETIM, s’est également adressé à la plénière du Conseil des droits de l’homme lors d’un Panel thématique intitulé « Impacts négatifs du changement climatique sur les droits humains, en particulier sur le droit à l’alimentation ». Dans son allocution, M. Akincilar a rappelé l’importance de l’article 16 de la Déclaration, selon lequel toute politique publique devrait soutenir davantage les marchés locaux basés sur la production paysanne locale. Renforcer ces marchés dans la perspective de construire des coopératives paysannes basées sur des pratiques agroécologiques est une solution réaliste et viable pour lutter contre l’injustice climatique.
Ainsi, les efforts pour lutter contre la crise climatique à travers la tant acclamée “transition écologique” risquent d’être vains, s’ils ne sont pas accompagnés d’un soutien aux pratiques de l’agriculture paysanne, qui est le fruit d’expériences et de savoirs traditionnels millénaires visant l’équilibre entre la production alimentaire et les cycles naturels.