L’agroécologie pour la souveraineté alimentaire
Quelle agroécologie pour les droits des paysan.nes et des travailleur.euses – Introduction par Défendre les droits des paysan.nes
Nous reprenons ici une publication des Ami.es de la Terre International qui vise à définir une agroécologie pour la souveraineté alimentaire. L’agroécologie, la souveraineté alimentaire et les droits des paysan.nes sont étroitement liés. Ils forment ensemble un socle politique et pratique pour à la fois lutter contre le système agricole capitaliste dominant et destructeur et pour construire dès à présent d’autres agricultures et systèmes de productions alimentaires. La souveraineté alimentaire et l’agroécologie sont inscrites dans la Déclaration grâce aux efforts de La Via Campesina et de ses alliés lors des négociations à l’ONU. A présent que ces deux concepts sont attachés aux droits de paysan.nes, il faut s’assurer qu’ils ne soient pas détournés du sens que leurs donnent les détenteurs et détentrices des droits. Les défenseurs du système capitaliste ont déjà montré leur capacité à réutiliser et vider de leurs sens des concepts politiques d’opposition. Pour contrer cela il nous faut donc continuer à définir ces concepts et diffuser ces définitions.
La définition proposée ici par les Ami.es de la Terre international correspond à la vision politique portée par La Via Campesina lors de négociations de l’UNDROP, c’est donc à elle que l’on peut se référer lors de la lecture et de la mise en œuvre de l’UNDROP. Le terme agroécologie apparaît deux fois dans l’UNDROP, aux articles 17 et 20, consacrés respectivement aux droits à la terre et à la biodiversité. Dans les deux cas, il est question d’obligations pour les États de promouvoir et protéger les pratiques agroécologiques. Dans l’utilisation de ces articles, on peut donc se référer à la publication que nous reproduisons ci-dessous.
L’agroécologie pour la souveraineté alimentaire
L’agroécologie est une manière de produire des aliments, un mode de vie, une science et un mouvement pour transformer les systèmes alimentaires afin d’accéder à la justice écologique, sociale, de genre, économique, raciale et intergénérationnelle.
Cette définition de l’agroécologie figure dans la Déclaration de Nyéléni 2015. Dans un moment historique, les organisations et les mouvements internationaux de producteurs à petite échelle, des travailleurs ruraux et de consommateurs se sont réunis à Sélingué, au Mali. Ils sont parvenus à un accord sur l’agroécologie en tant qu’élément clé de la construction de la souveraineté alimentaire. Ils ont également développé une vision commune afin de la promouvoir.
L’agroécologie est le résultat des pratiques, des connaissances, des innovations et des recherches de paysans, agriculteurs familiaux, peuples autochtones, pêcheurs, éleveurs itinérants et bien d’autres producteurs à petite échelle.
Un moyen de production d’aliments
Les pratiques agroécologiques suivent les processus naturels de la production alimentaire autosuffisante. (Par exemple, les cultures intercalaires, la pêche traditionnelle, l’élevage mobile, l’intégration de cultures, arbres, bétail et poissons, le fumage, le compostage, les semences et les races d’animaux locales.) Grâce à ces pratiques, la diversité des cultures et des races augmente, l’emploi de produits achetés à l’extérieur diminue considérablement, et les nutriments naturels sont recyclés. L’utilisation de produits agricoles toxiques, d’antibiotiques, d’hormones artificielles, d’organismes génétiquement modifiés et d’autres technologies dangereuses est annulée.
L’agroécologie a des avantages évidents : réduction des coûts, autonomie vis-à-vis des grandes entreprises, diversification des sources de revenus, gestion des risques associés à l’échec des récoltes, et production variée pour améliorer la nutrition. L’agroécologie a aussi le potentiel de régénérer les écosystèmes qui ont été dévastés par l’agriculture industrielle.
Une science
L’agroécologie apporte un cadre vivant, cohérent, interdisciplinaire et holistique pour étudier ses méthodes et ses résultats. Ce cadre inclut les divers savoirs et connaissances des peuples. Il nous permet de savoir comment les systèmes alimentaires doivent s’y adapter et remettre en état les systèmes bioculturels dont ils dépendent.
Une mode de vie ou système socio-économique
L’agroécologie fait passer la vie des personnes et de la planète avant les profits. Elle est fondée sur une vision à long terme qui va au-delà de l’agriculture pour transformer tout le système alimentaire. Elle puise dans les disciplines sociales, économiques, politiques et écologiques et les intègre dans les pratiques et les savoirs coutumiers des paysans, des peuples autochtones et des autres producteurs d’aliments à petite échelle. L’agroécologie est fondée sur des principes communs. Ils sont appliqués selon la réalité et la culture du territoire, tout en respectant la nature et les valeurs communes.
- Par exemple, elle réorganise les marchés à partir de l’équité, de la solidarité et de l’éthique de la production et la consommation responsables, en favorisant les chaînes de distribution directe courtes et justes. Elle donne aux femmes et aux jeunes la possibilité et le pouvoir de prendre les rênes. Elle apporte aux travailleurs la justice et la dignité.
- Elle implique la pleine reconnaissance de l’autodétermination et de l’autonomie des peuples, et elle est bâtie sur les piliers des droits collectifs et de l’accès aux biens communs.
Un mouvement social
L’agroécologie combat et transforme les structures de pouvoir de la société afin de mettre le contrôle des semences, de la biodiversité, de la terre et des territoires, de l’eau, des connaissances, de la culture et des biens communs entre les mains des peuples, pour qu’ils atteignent la souveraineté alimentaire.
Ce mouvement croissant est mené par des agriculteurs paysans, familiaux, autochtones et artisanaux, par des travailleurs et leurs alliés. Il vise à transformer de fond en comble nos systèmes alimentaires, plutôt qu’à modifier les méthodes industrielles. La lutte pour la justice de genre et le démantèlement du patriarcat est fondamentale pour le mouvement, car il s’agit d’une voie vers l’autonomie et les droits des femmes. L’action collective permettra d’augmenter l’envergure de l’agroécologie, de bâtir des systèmes alimentaires locaux, et de combattre la mainmise des multinationales sur notre système alimentaire.
Les méthodes agroécologiques
Les méthodes agroécologiques sont fondées sur une série de principes, tels que :
- pour les paysans, agriculteurs familiaux et autres petits producteurs d’aliments : diversifier les variétés de plantes cultivées, les semences locales et les races de bétail ; intégrer les cultures (protéines, céréales, légumes à gousse, fruits, légumes), les arbres, le bétail, le poisson ; appliquer du fumier, composter ; augmenter les interactions biologiques dans tout le système ; minimiser l’emploi et la dépendance de produits et ressources extérieurs non renouvelables (par exemple, dans le domaine des engrais et des produits toxiques), et la dépendance de l’énergie à base de combustibles fossiles ; la récupération de l’eau de pluie ; la surveillance communautaire des écosystèmes ; le séchage au soleil et le stockage d’aliments ; la gestion communautaire de la forêt.
- pour la pêche traditionnelle, artisanale ou à petite échelle : gestion communautaire de la conservation et la régénération des populations de poissons, des lieux de pêche, des récifs coralliens, des mangroves et autres habitats de poissons.
- pour l’élevage itinérant traditionnel et transfrontalier : conserver les pâturages et les utiliser pour l’obtention de viande, de lait, de fibres, de combustible, etc.
- pour les habitants des forêts : vivre de la diversité de produits forestiers non ligneux et préserver la biodiversité. Pour les peuples autochtones : avoir accès aux ressources naturelles de leurs territoires, surtout pour la chasse et la cueillette.
La reconnaissance et la pratique de l’agroécologie
Plusieurs rapports scientifiques et de l’ONU reconnaissent le potentiel de transformation de l’agroécologie pour nourrir le monde et remplacer le système alimentaire industriel destructeur.
« L’agroécologie [offre] de nombreux avantages : elle renforce la sécurité alimentaire et la résilience, augmente les moyens d’existence et relance les économies locales, diversifie la production et les régimes alimentaires, améliore la santé et la nutrition, sauvegarde les ressources naturelles, la biodiversité et les fonctions des écosystèmes, augmente la fertilité et la santé des sols, facilite l’adaptation aux changements climatiques et leur atténuation, et préserve les cultures locales et les systèmes traditionnels de connaissances. » – Président du 2ème Symposium international sur l’agroécologie.
Explorez notre carte de l’agroécologie pour voir l’agroécologie en action tout autour du monde.