L’ALE UE-MERCOSUR viole les droits des paysan·nes et les engagements climatiques
Cet article a été publié originellement sur le site de La Via Campesina.
Déclaration conjointe de la Coordinadora Europea Via Campesina (ECVC) et de la Coordinadora Latinoamericana de Organizaciones del Campo CLOC – Via Campesina condamnant l’accord de libre-échange UE-MERCOSUR comme étant antidémocratique et en violation des droits des paysan·nes et des engagements climatiques. Cette déclaration intervient à un moment où la Commission européenne et certains États membres de l’UE tentent de trouver un moyen d’approuver un tel accord, sans que le contrôle démocratique des parlements nationaux, l’impact réel ou la mise en œuvre de mesures “environnementales” soient pris en compte.
30 janvier 2023
En tant que groupe de organisations d’agriculteurs.rices et de travailleurs.euses agricoles des pays du Mercosur et de l’UE, nous faisons front commun contre l’accord de libre-échange UE-MERCOSUR. Cet ALE est basé sur un paradigme obsolète dans lequel les produits agricoles sont traités comme n’importe quelle autre marchandise, au mépris des droits de l’homme, des crises du climat et de la biodiversité, de la souveraineté alimentaire et des droits des producteurs alimentaires à un revenu équitable.
Depuis de nombreuses années, nous, agriculteurs.rices, paysan.nes, sans-terre, les peuples afro- descendants et travailleurs.euses agricoles, subissons les conséquences de la déréglementation des marchés agricoles par le biais du régime international de libre-échange. Les intérêts des entreprises agroalimentaires ont été systématiquement placés avant ceux des petit(e)s producteurs.rices
alimentaires et des travailleurs.euses agricoles. Le prix des aliments que nous produisons a été artificiellement déconnecté du coût de la production locale. Nous sommes mis en concurrence les un(e)s avec les autres, alors que nos conditions de production sont très différentes d’un pays à l’autre (par exemple en ce qui concerne les conditions climatiques, les normes sanitaires, sociales et environnementales, le coût de la main-d’œuvre, l’accès à la terre et aux outils de production, etc.)
La marchandisation de la terre, de l’eau et des semences conduit à l’appauvrissement des populations rurales. Les entreprises qui prennent progressivement le contrôle des systèmes alimentaires ne parviennent à être “compétitives” que parce qu’elles sont largement subventionnées par l’argent public et qu’elles ne sont pas tenues de payer les coûts sanitaires, environnementaux et sociaux de leur modèle de production industrielle.
Nos droits, reconnus dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysan.nes et des autres personnes travaillant dans les zones rurales, sont structurellement violés par ce régime international de libre-échange. Nous ne voyons aucune mention de l’UNDROP dans le projet d’ALE UE-MERCOSUR et craignons que ce nouvel ALE n’aggrave la situation des droits humains des paysan.nes, des petit(e)s exploitant(e)s agricoles et des travailleurs.euses agricoles.
L’accord UE-MERCOSUR, au lieu de promouvoir la reterritorialisation écologique de nos systèmes alimentaires, va augmenter l’échange transcontinental de produits agricoles qui peuvent plutôt être produits de manière durable et agroécologique sur nos territoires. Du point de vue d’un système alimentaire durable, cela est en totale contradiction avec tous les engagements de nos gouvernements dans l’Accord de Paris sur le climat et dans les objectifs de développement durable.
Un tel accord encouragera des modèles de production non viables dans les zones rurales, ce qui fera disparaître encore plus de petits et moyens producteurs de denrées alimentaires et les fera migrer vers les villes pour y occuper des emplois précaires. Dans l’UE, la population agricole représente déjà moins de 5% de l’emploi total, tandis que dans les pays du MERCOSUR, les ruraux font partie des populations les plus marginalisées. Cela correspond-il vraiment à la vision à long terme de nos gouvernements pour les zones rurales ?
Nos gouvernements affirment que cet accord contient des dispositions relatives à la durabilité et prend en compte les intérêts des travailleurs.euses et des agriculteurs.rices, mais ce n’est pas vrai. Au contraire, ils soutiennent les intérêts d’une élite de l’industrie alimentaire qui est responsable du désastre écologique dans nos communautés.
Il est de notoriété publique que l’accord UE-MERCOSUR ne peut être ratifié de manière démocratique. En Europe, la Commission européenne et certains États membres de l’UE font pression pour diviser l’accord afin de contourner le contrôle démocratique des parlements nationaux. D’autres favorisent l’élaboration d’un document supplémentaire non contraignant pour prétendre qu’ils prennent en compte les préoccupations environnementales. Nous condamnons fermement ces tentatives d’écologisation de cet ALE instable et de négliger la forte opposition démocratique que suscite ce nouvel ALE.
Il est temps de sortir du paradigme du libre-échange. L’ALE UE-MERCOSUR doit être abandonné.
Au contraire, en tant que La Via Campesina, nous demandons un nouveau cadre international pour le commerce international basé sur la souveraineté alimentaire. Nous soutenons la coopération internationale et la solidarité entre les peuples. Les accords de coopération bilatéraux ou bi-régionaux devraient avoir pour base les droits humains, et en particulier les droits des producteurs.rices alimentaires tels que reconnus par l’UNDROP. Ils devraient permettre un véritable développement agricole qui donne la priorité à la production alimentaire locale et à l’agroécologie. Ils devraient mettre fin à l’expansion du pouvoir des entreprises sur l’alimentation et l’agriculture et donner la priorité aux petit·es et moyen·nes producteur·trices alimentaires.
En tant que paysan.nes, petit(e)s agriculteurs.rices et travailleurs.euses agricoles des deux continents, nous appelons tous les mouvements sociaux et les organisations de la société civile à s’opposer à l’accord UE-MERCOSUR et à demander à nos gouvernements de stopper cet accord !
Signatures venant de pays membres de l’UE :
- Coordination Européenne Via Campesina (ECVC) – Europe (31 organisations membres)
- SOC-SAT (Espagne)
- Ehne Bizkaia (Espagne)
- Fugea (Belgique)
- Norsk Bonde-og Smabrukarlag (Norvège)
- NOrdBruk (Suède)
- Frie Bønder Levende (Danemark)
- ÖBV-Via Campesina Austria (Autriche)
- MODEF (France)
- MAP (Belgique)
- Boerenforum (Belgique)
- La CNA – Confederação Nacional da Agricultura (Portugal)
- Toekomstboeren (Pays-Bas)
- ARI (Italie)
- COAG (Espagne)
- Confédération paysanne (France)
- MIJARC (Europe)
- Abl (Allemagne)
- ACFF (Croatie)
Signatures venant de pays concernés par le MERCOSUR :
- Coordinadora Latinoamericana de Organizaciones del Campo – CLOC-Vía Campesina (Amérique latine et Caraïbe – 84 organisations membres)
- La Via Campesina América del Sur (Amérique du Sud 42 organisations membres)
- MNCI Somos Tierra (Argentine)
- Conamuri, Organización de Mujeres Campesinas e Indígenas (Paraguay)
- Red Nacional de Semillas Nativas y Criollas (Uruguay)
- Mesa Agroalimentaria Argentina (Argentine)
- Movimiento dos pequenos agricultores – MPA (Brésil)
- MMC Brasil, Movimiento de mulheres camponesas (Brésil)
- Movimiento de los Trabajadores Rurales Sin Tierra – MST (Brésil)
Signatures d’autres organisation d’Europe et d’Amérique latine :
- Federacion Nacional de Cooperativas agropecuarias (Colombie)
- APEMECAFE (Colombie)
- FENSUAGRO (Colombie)
- Fenacoa (El Salvador)
- Comunidades Negras-ICETEX (Colombie)
- CAN Peru (Pérou)
- Conpi (Colombie)
- Uniterre (Suisse)
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