Les paysan.nes équatorien.nes obtiennent la ratification de l’UNDROP par leur Assemblée légistaltive
En Équateur l’Assemblée législative a ratifié la Déclaration des Nations unies sur les droits des paysans le 18 avril 2023. Cette grande avancée est le résultat d’une lutte et d’un dialogue menés par les organisations paysannes.
Si la Déclaration sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP pour son acronyme anglais) a été approuvée par l’Assemblée générale des Nations unies fin 2018, l’apparition de la pandémie de COVID-19 a affecté les dynamiques politiques et institutionnelles ainsi que la capacité de mobilisation et de plaidoyer des organisations paysannes. Dans un premier temps cet outil précieux n’a donc eu que peu d’impact au niveau national.Néanmoins, nous pouvons déjà commencer à voir des des avancées encourageantes dans la région de l’Amérique latine à cet égard. C’est le cas de la ratification de la Déclaration par l’Assemblée législative de l’Équateur.
Le chemin vers la ratification a commencé avec la CNC Eloy Alfaro, organisation équatorienne membre de la CLOC et de la Via Campesina, lorsqu’elle a repris la mobilisation autour de l’UNDROP. Pour ça elle a organisé des actions avec d’autres organisations mais aussi mené des activités en interne et écrit un manifeste1.
En janvier 2023, l’organisation a adressé une demande au député de la province de Manabí Xavier Santos Sabando, afin qu’il porte la proposition de ratification. « Dans ce contexte, nous aimerions lui présenter la « Déclaration des droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales », afin que, par son intermédiaire, l’Assemblée nationale de l’Équateur examine et ratifie la déclaration susmentionnée« , indique ainsi, la lettre qui lui a été présentée.
Ce processus institutionnel s’est déroulé avec un gouvernement de droite au pouvoir, mais les mobilisations indigènes et paysannes massives qui ont eu lieu en juin 20222 ont constitué un élément de pression qui a contribué à ce que l’Assemblée nationale (le principal organe législatif de l’Équateur) aborde la question et approuve une résolution favorable aux droits des paysans. En effet, les organisations autochtones et paysannes ont organisé une grève de 18 jours pour demander des mesures contre l’inflation et s’opposer à la politique du Gouvernement du Président Guillaume Lasso. Pendant ces grèves des manifestations ont été violemment réprimées et l’état d’urgence a été décrété dans une grande partie du pays. Au bout de ces 18 jours, l’état d’urgence a été levé et un accord a été trouvé, accordant au mouvement ses principales revendications.
La ratification date du 18 avril 2023 et a été approuvée par 117 votes pour, sur un total de 137 membres de l’Assemblée3.
La résolution comporte une longue explication avec des considérants et des justifications, puis, dans ses principaux articles, elle établit ce qui suit :
Article 1 : Ratifier l’importance et le caractère transversal de la « Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales » pour les peuples paysans de l’Équateur et du monde.
Article 2 : Veiller, par l’intermédiaire de ses organes et unités techniques consultatives, de ses commissions spécialisées permanentes et occasionnelles, à impulser, dans le strict respect des délais et des processus établis dans la Constitution de la République de l’Équateur et la loi organique de la fonction législative, des initiatives qui favorisent l’exercice des droits des paysans du pays établis dans la Déclaration, en particulier en ce qui concerne l’accès à un crédit souple et opportun, assorti de taux d’intérêt préférentiels, de conditions et de délais de grâce, ainsi que l’éducation, la santé et la sécurité sociale.
Article 3 : Déclarer que la Déclaration des Nations Unies susmentionnée sera un élément prioritaire pour la création, les réformes et les propositions de lois générées par l’Assemblée nationale de l’Équateur.Article 4 : Exhorter toutes les fonctions de l’État à se conformer à la Déclaration, en intégrant les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales dans toutes les politiques et tous les programmes publics en vigueur et générés par l’État équatorien.
Cette ratification est une étape importante dans un Équateur mobilisé, où le secteur indigène et paysan adresse de fortes demandes au gouvernement en termes de politiques agricoles populaires.
Les organisations s’efforcent à présent de faire en sorte que la Cour constitutionnelle ratifie également la Déclaration des droits des paysans.
En outre, une instance de formation et de diffusion de la Déclaration est en train d’être mise en place pour les organisations et les dirigeants paysans.
Comme nous l’avons souligné, la Déclaration des droits des paysans est un instrument qui a émergé des luttes paysannes et qui est arrivé au cœur des Nations unies pour exiger la reconnaissance des droits et l’urgence de politiques publiques pour les rendre effectifs. Aujourd’hui, cet instrument revient dans les luttes comme un outil pour les communautés paysannes du monde.
Diego Montón
MNC Somos Tierra Argentina
Colectivo de Derechos Campesinos de Via Campesina
1Pour lire le manifeste en espagnol LIEN
2https://fr.wikipedia.org/wiki/Manifestations_de_2022_en_%C3%89quateur
3 Il s’agit de la résolution « RL-2021-2023-156 ».